La photographie de mariage

Quelque chose de vieux, Quelque chose de neuf, Quelque chose « d'empreinté »

 

Quelque chose de vieux...

Un ressenti, un refrain, une lettre ancienne, l'effluve d'une senteur, un croquis....Il y a tant de prétentions à nous souvenir d'instants de notre vie!...Mais malgré tout, un support à notre mémoire règne en princesse: La Photographie!

Merci donc Messieurs Aristote et Léonard de Vinci d'avoir percé le mystère de la chambre noire, nos félicitations à vous, Messieurs Niepce pour vos premières photographies, Daguerre, pour avoir perfectionné ce procédé...Ainsi qu'à vous, Monsieur Eastman,d'avoir ouvert un champ différent à la photographie avec votre ruban« Clic Clac Kodak! »...

« You press the button, we do the rest! ». Vous aviez entrepris, je cite: « de faire de la Photographie une affaire de tous les jours, de rendre l'appareil photos aussi pratique que le stylo »...

Pari gagné!

Cette invention a provoqué l'adhésion générale, suivie d'une puissante croyance collective dans sa vérité, dans son authenticité...Sa force de persuasion, son accessibilité.

Un déferlement de « Photographes », issus du monde de la presse et de l'information va investir le monde pour le dévoiler, le « rapprocher », nous le montrer tel qu'il est, du pire au plus formidable, appuyés par l'évolution des communications, de 1909 à 1931 . Les Petits Petons de Valentine font le tour du monde. Les Frères vont mettre en Lumière l' autochrome, premier procédé commercial de photographies en couleur pendant que l'on constitue les archives de la planète. Des artistes souligneront leur art avec le pictorialisme, d'autres traqueront pinceaux et palettes pour créer des ateliers photographiques, revisiteront nos villes, nos quartiers, se rapprocheront des gens avides de se « mirer » sur l'argentique. Le portrait, jusque là réservé aux privilégiés, va se mécaniser, tout comme nos campagnes!

« Il n'existe, à notre époque, aucune ?uvre d'art que l'on considère aussi attentivement que son propre portrait photographique, ceux de ses parents, de ses amis ou de l'être aimé », écrivait, dès 1907, Alfred Lichtwark, soulignant ainsi, la valeur sociale que peut engendrer...

La photographie de mariage, par exemple!

Madame photographie est la star...Apparaissent les photographes de mariage, parfois anciens peintres miniaturistes. Le rituel de la photographie de mariage fait d'ores et déjà partie intégrante de la célébration du mariage. On peut enfin fixer l'instant de nos vies!...Oui oui!...Sur du papier! C'est d'ailleurs le cas de le dire! A l'époque, les photographes de mariage ne se déplaçaient guère compte tenu du matériel photographique imposant, car durant les 65 premières années de la photographie ce sont de volumineuses caisses en bois dignes de notre micro-ondes que manipulent les photographes de mariage. Les mariés, ainsi obligés de se rendre dans les studios et sans doute intimidés par cette nouvelle expérience, offrent, sur les photographies de mariage, un regard figé à la boite sur trépied qu'il faut fixer, la posture très solennelle, du fait du temps de pose obligatoire! A croire même que le gros fauteuil, la table ovale ou le piédestal devant le rideau de plis trouvaient là leur première fonction de soutien aux mariés devant l'épreuve!

De plus en plus, les photographes de mariage évoluaient à l'extérieur, jusqu'aux parvis des églises essentiellement, afin de sceller la cérémonie de la fameuse photo de groupe, celle qui prouve l'alliance des deux familles. Ici, le photographe de mariage s'invoquait scénographe et se devait de disposer parfois les convives en respectant des degrés généalogiques bien définis sur une estrade à la tenue aléatoire. Comme un honneur que l'on rendrait aux plus hautes et nouvelles instances de dame Photographie, les postures sont contrôlées, les fronts hauts , têtes droites. Comme une angoisse préméditée de ce que pourrait révéler à jamais d'ostentatoire la fameuse photographie de mariage. Il faut dire aussi, qu'à l'époque, le mariage était un passage obligé à l'accession d'un statut d' autonomie, l'obtention de l'âge adulte, une permission à fonder une famille!...Le moment que va immortaliser le photographe de mariage est donc empreint de solennité. La photographie de mariage a été rapidement associée au rituel du mariage surtout dans la famille paysanne. Le moment est légitime, il saura être festif, mais plus tard. Il faut tout de même rester digne, respectueux devant le photographe de mariage certes, mais surtout devant l'éternité de la technique d'impression qu'il propose. Pas de confusion! Les futures générations nous observent!

Bien. Le photographe de mariage doit maintenant revêtir son costume de chimiste afin de révéler matériellement l'instant, en ovale peut être, puis il ornera son ?uvre d'un cadre épais à la hauteur d'un tableau de maître. La photo de mariage trônera sur la cheminée, ou jaunira dans un tiroir, bien gardée, pour la montrer. Elle fait partie intégrante du patrimoine familial maintenant. Une trace de son propre collectif vient d'entrer dans l'histoire de deux familles, en attendant l'arrivée de la photographie de baptême de l'ainé ou la photographie du mariage de la cadette.

Pendant ce temps, on ne chôme pas dans les laboratoires: notre micro-ondes d'appareil photo devient toujours plus petit, toujours plus pratique, technique, avec pellicules et flashs. Ainsi le photographe de mariage est désormais plus prompt à saisir d'autres instants importants de la cérémonie de mariage, avec le Leika, commercialisé à partir de 1925 au format 24x36mm, le plus courant jusqu'à la fin du XXe siècle. Il permet, au fil du temps, aux photographes de mariage d'évoluer autrement, plus discrètement et donc de proposer une toute autre représentation, sur un air de violon à la TSF. Donc,.....


Quelque chose de neuf!

En l'occurrence, à l'après guerre... Les photographes de mariage peuvent auréoler leurs mariés d'un bel arc-en-ciel!.. Édith Piaf chante la vie en rose...Merci Agfacolor!... En parallèle, grâce au boom des cérémonies de mariages dès 1946, une véritable industrie de la photographie de mariage est enclenchée; ça ne rigole plus!. Posséder un appareil photo est significatif d'un rang social, comme une belle montre au poignet!

Les photographes de mariage s'attachent à fixer le récit de tous les moments clés de la journée. La photographie des mariés se réalise toujours en studio, sans trop d'artifice, mais le romantisme transparaît des clichés religieux grâce à une mise en scène un peu plus élaborée. L'objectif est sur la princesse en robe blanche!...Le photographe de mariage l'accompagne à son entrée à l'église au bras de papa, en pleine communion, agenouillée devant le prêtre, cristallise l'échange des anneaux avec son tout nouvel époux puis devant les cadeaux des convives. Le photographe de mariage ose enfin immortaliser le baiser, dans un cadre en forme de c?ur par exemple, juste avant un cliché de leur sortie de l 'église. On découvre aussi à cette période la photographie des mariés partageant la coupe de vin et découpant la pièce montée avec leurs figurines en sucre, comme un flash de l'éternel partage consentant, en vue de gestes quotidiens déjà bien établis. Le photographe de mariage n'omet pas de témoigner de leur fuite heureuse en voiture enrubannée , vers la lune, après avoir ouvert le bal avec Elvis. Il devient « réalisateur » d'intemporel!

Terminé donc, le style nature morte! Les photographies de mariage révèlent davantage le côté festif entre les clichés plus solennels. Cette scène de transition que représente la cérémonie de mariage semble puiser sa force du fait qu'elle ne soit plus nécessaire ni obligatoire...Mais tous le monde les veut ces noces de mariage!

On veut préserver le rituel de la photographie de mariage comme preuve de tous les autres rituels. On organise la cérémonie de son choix et selon ses moyens, on s'oriente davantage vers un scénario de l'amour intense qu'à l'officialisation de l'institution du mariage. C'est un réel reportage digne de la couverture d'un mariage princier que souhaitent les deux familles. Le photographe de mariage s'intéresse à tout et à tous! Et ils sont souvent nombreux les invités, puis, il y a sans doute les cousins de Paris venus équipés d' appareils de photos dernier cri! Un vrai défi pour le photographe de mariage qui se doit d'exceller du premier coup avec ses pellicules!...Pas de repêchage!!! Il faut se démarquer.

Outre les difficultés purement techniques des différentes conditions de prises de vues, le photographe de mariage ne peut pas impressionner de stress ou de soucis familiaux les photographies de mariage de l'album. Il va commencer à agir en vrai détective, à l'affût des plus belles empreintes de cette journée unique. Une approche plus personnelle, plus orientée. Le photographe de mariage ne peut plus s'invoquer capteur d 'images, il est professionnel du mariage parmi la foule de paparrazi d'invités. Il est missionné lui, tenu à un résultat. Ses photographies de mariage seront auscultées en famille d'ici quelques jours.

Puis,... il pixelise maintenant!...Il peut « canarder » sans vergogne et se rassure d'une prise de vue digne de l'instant. Il floue, il filtre , il contre plonge, il vire au sépia, à l'antan, avec le retour du noir et blanc. On ne témoigne plus, il évoque l'église et la mairie, il « esthétise » les souvenirs dans le parc, près de la fontaine ou du vieux puits, la jetée d 'une plage...Les photographes de mariage « édenisent » l'amour puisque l'on se marie par choix. Le photographe de mariage doit créer des émotions, des supports de pensées, de paroles, de communication entre les participants des plus optimisantes pour honorer la promesse faite aux époux d'un album à la hauteur de leurs espérances. Le sujet photographique est roi!! Le photographe de mariage s'adapte et offre aux mariés le style d'album de leur choix: Traditionnel ou reportage.

Le photographe de reportage de mariage préféré du moment sollicite la mariée dès le matin du « Happy day ». Il capte chaque étape de sa transformation en princesse, idem pour le prince charmant qui intéresse davantage les photographes de mariage. Tel l'ange gardien de la journée, Il « vole » les sourires de l'entourage, capte l'émotion de chacun pour le plus grand bonheur de ceux-ci. On ne pose guère. Le photographe de mariage s'applique à détecter de belles allures éphémères conscient qu'elles deviendront pièces du musée personnel de chaque famille. La photographie de mariage est empreinte de « sacrée », plus qu'une trace colorée de sa propre histoire. Elle est « support de mémoire », certificat de présence donc d'appartenance, de filiation. C'est une réunion de personnes autour d'un évènement commun, exceptionnel comme une mobilisation sentimentale que le photographe de mariage doit transcender et « empreinter ». La tâche est difficile, mais c'est un métier que d'illustrer le plus beau jour de notre vie!